DOCERE

Revertere ad summum
Paul Claudel 1868 - 1955

Le sommet de la route et l'ombre de la croix
« Il est midi. Je vois l'église ouverte. Il faut entrer.
 Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.
 
Je n'ai rien à offrir et rien à demander.
 Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.
 
Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela
 Que je suis votre fils et que vous êtes là.
 
Rien que pour un moment pendant que tout s'arrête.
 Midi!
 Etre avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes.
 
Ne rien dire, mais seulement chanter
 Parce qu'on a le coeur trop plein,
 Comme le merle qui suit son idée
 En ces espèces de couplets soudains.
 
Parce que vous êtes belle, parce que vous êtes immaculée,
 La femme dans la Grâce enfin restituée,
 
La créature dans son honneur premier
 Et dans son épanouissement final,
 Telle qu'elle est sortie de Dieu au matin
 De sa splendeur originale.
 
Intacte ineffablement parce que vous êtes
 La Mère de Jésus-Christ,
 Qui est la vérité entre vos bras, et la seule espérance
 Et le seul fruit.
 
Parce que vous êtes la femme,
 L'Eden de l'ancienne tendresse oubliée,
 Dont le regard trouve le cœur tout à coup et fait jaillir
 Les larmes accumulées,
 
Parce qu'il est midi,
 Parce que nous sommes en ce jour d'aujourd'hui,
 Parce que vous êtes là pour toujours,
 Simplement parce que vous êtes Marie,
 Simplement parce que vous existez,
 
Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée! »

— Paul Claudel, Le sommet de la route et l'ombre de la croix, éd. Poésie Gallimard, p. 57

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